Sur la route, à moins de 200 km de Saint Jacques, Octobre 2019

Chemin de Compostelle 2019 — Bilan

Marianne Content
17 min readNov 12, 2019

A mes compagnons et compagnes de route : Arnaud (en 2018 nous avions fait les 300 premiers km ensemble), Jean-Philippe et Sylvie, Aude, Yves, Nico, Hannah, Beth, Raul, Noe, Krisztian, Martine et Christine, Martine, Janice et David, Hélène, Boris, Amandine, Laurent, Normand et Nathalie, Jim, Koshi, Kiran, Pia, Antonio et Christina, Esther, Steve, Marie-Jo et Jean-Claude, Walid, Pilar, Giovanni et Antonello, Louisa, Urdita, Martina, Claudia et tous les autres qui ont partagé mon quotidien pendant ces nombreuses semaines.

« Le canal, le cloître magnifique de Moissac, la pause-café chez Henri avec les copains. Le cadeau d’une poétesse américaine qui m’écrit un poème sur le sujet de mon choix, j’ai choisi : la liberté. La lumière du matin. Le soleil qui se lève, puis se reflète dans l’eau. Les discussions philosophiques avec les nouveaux amis. La découverte de soi, pas à pas. Le bronzage de marcheuse. La douche qui rafraîchit. La beauté des villages. Le massage des pieds. La bière du soir. La connexion humaine. Le repas du soir partagé ensemble autour de la grande table. Les rires. L’ouverture aux autres. La joie de se retrouver seule sur le chemin. La joie de retrouver les autres en chemin. La simplicité, l’échange. La fatigue physique, la sensation de faim, les mets délicats du coin. Le besoin de boire beaucoup d’eau. Le sentiment de plénitude. Les départs tôt le matin dans la nuit, parfois avec l’aide de la frontale. Les kilomètres. La chaleur. Les bâtons qui soutiennent. Les fruits sauvages, les fruits offerts. L’Humanité. La Solidarité. La vie. La vie. La Vie. »

Jour 7. De Moissac à Auvillar, 21 km (extrait de mon carnet de bord)

Chemin entre Moissac et Auvilar, le long du canal, Août 2019

Je reviens de Saint Jacques de Compostelle, après 56 jours et 1300 km de marche, et il me semble important de partager avec vous certains de mes apprentissages, ressentis, expériences. C’est une manière pour moi de prendre du recul sur ces deux mois très spéciaux, de vous emmener sur le chemin sans quitter votre fauteuil et de vous remercier pour m’avoir soutenue dans cette aventure, de près ou de loin. J’ai choisi de faire cela par grandes thématiques, je vous laisse y goûter…

Humanité

Il faut le savoir, le chemin de Saint Jacques, « el Camino » est un lieu de pèlerinage connu et attire des pèlerins du monde entier, notamment à partir de Saint Jean-Pied-de-Port, point de départ du chemin espagnol. Toutes les nationalités se mélangent (dont un nombre incroyable de Coréens du Sud), toutes les générations cohabitent (dont un nombre incroyable de retraités ou de personnes « en transition »). Malgré nos différences apparentes, une chose nous unit : la marche. Tous les matins, nous nous levons et nous marchons vers la prochaine étape. Certains feront de grandes distances, d’autres s’arrêteront plus tôt, certains iront vite ou prendront des raccourcis, d’autres des prolongements ou feront de nombreuses pauses. Chacun son rythme, chacun son chemin. Pourtant, nous sommes tous à la même enseigne dans la mesure où sur le chemin, on se retrouve face à soi-même, face à ses limites physiques et mentales, c’est-à-dire face à sa vulnérabilité. Il n’y a pas d’artifices, pas de superficialité, cela pèserait trop lourd dans nos sacs et nos esprits. Ce que nous portons sur notre dos n’est qu’essentiel et devient notre bien le plus précieux. Les relations avec les autres deviennent rapidement simples et fluides, on se dit bonjour, se souhaite « Buen Camino », on dine ensemble, on dort dans le même dortoir, on admire un paysage ensemble, on discute, on fait silence. Il n’est pas rare de s’assoir à une table au hasard et d’engager la conversation, de devenir amis au détour d’un café. Les masques tombent, les jugements s’évaporent, la bienveillance prend place et la connexion devient vraie et puissante. On parle de cœur à cœur. On prend les gens tels qu’ils sont, on n’attend rien d’eux.

Bain de pieds en fin de journée avec les copains, de 5 nationalités différentes
Dîner aux chandelles dans la Chapelle des Ursulines d’Aire sur L’Adour

Je garde en moi le souvenir de ces nombreux fou rires, de ces mains tendues pour traverser la rivière, de cette bière dégustée ensemble, de ce collier offert, de ce chant partagé, de ces nombreux jeux de Yams, de toutes ces langues parlées, de la communication en langage des signes parfois, de toutes ces personnes qui m’ont offert leurs chaussettes quand je croyais avoir perdu les miennes, de toute l’auberge qui s’active pour trouver un médecin pour sauver Beth qui fait une réaction allergique assez grave, de ces silences pleins, de tous ces petits moments du quotidien qui peuvent paraitre anodins mais qui font le chemin, le rendent magique par leur simplicité et leur beauté. Ce chemin, c’est comme une bulle de bienveillance où la solidarité, l’amitié et le vivre-ensemble deviennent nos seules références pour inspirer nos comportements et paroles. Il nous arrive parfois d’être ramenés à la réalité par une mauvaise rencontre, un magasinier en colère ou un pèlerin pressé mais ce moment n’est qu’éphémère et nous replongeons vite dans ce que certains appellent « un monde de bisounours ». Je me suis même prise en flagrant délit de faire référence à ma vie parisienne comme « la vraie vie », tellement ce monde à part qu’est le chemin ne me paraissait pas répliquable en dehors de ce même chemin. Et pourtant…

Diner partagé à la Casa de Susie, à Trabadelo
Les dortoirs : des lieux de rencontres, partage et vivre-ensemble

Une pèlerine m’a raconté que « Compostelle » venait de « Compo Stelle » qui veut dire « Champ d’étoiles », comme si les pèlerins représentaient les étoiles qui avancent toutes vers la même direction… J’aime cette image et je la garde avec moi : voir les gens comme des étoiles qui brillent et continuer à tout faire pour qu’elles brillent de toutes leur puissance, de par mon métier et par mon attitude à leur rencontre.

1er apprentissage : Un bonheur partagé est multiplié par deux.

2ème apprentissage : Aimer n’est pas une transaction «donnant-donnant», c’est un accueil de l’autre et un don de soi.

La douleur physique

Je ne peux pas vous raconter mon périple sans vous parler de la douleur. Elle est survenue au huitième jour et ne m’a plus quitté jusqu’à la fin — et est encore présente aujourd’hui. Alors que d’autres avaient des ampoules (parfois jusqu’à l’os), des tendinites, des maux de ventre ou autre, moi c’est une douleur aigue qui s’est réveillée dans mon talon droit, comme si on y enfonçait un clou à chacun de mes pas. Elle a grandi rapidement, au point où je ne pouvais presque plus poser le talon par terre. Mais je pouvais marcher, alors j’ai continué. Sur la pointe du pied. Certains marcheurs m’ont dit que de loin on aurait dit que je marchais sur des talons aiguilles, ou que je faisais du ski de randonnée, sans ski… Au fur et à mesure, la douleur a pris corps en moi, je l’oubliais presque, je transformais ma démarche pour l’éviter et elle a fini par faire partie de moi. Une fois, à la moitié du périple, soit après plus de 600 km de marche, je n’ai pas eu mal pendant un jour. J’ai cru revivre, j’ai cru être guérie par miracle, j’ai re-goûté à la marche telle que je l’aime depuis toujours, j’ai pu me concentrer sur la beauté du paysage, que j’étais heureuse ! Mais elle est revenue le lendemain… Et, l’ignorance de ce que j’avais vraiment et de comment le guérir m’a amené à vivre des moments de désespoir, d’hésitation : devais-je m’arrêter ? Pouvais-je continuer sans me blesser sur le long terme ?

La nécessité de pousser sur mes bâtons pour continuer à avancer…

Chaque fois, ce sont les autres qui m’ont redonné espoir (et toujours via des médecines douces et naturelles) : une masseuse dans la Meseta qui m’a dit que je pouvais le faire, un américain qui a tenté de faire du Reiki sur mon pied, une tchèque qui m’a proposé une recette de grand-mère (c’est-à-dire laisser son pied dans un sac plastique rempli d’oignons coupés en petits morceaux ; verdict : toujours la même douleur et l’odeur nauséabonde en plus), un français qui s’est agenouillé et a prié sur mon pied, une canadienne qui m’a fait une sorte de massage énergétique à l’aide d’un pendule (qui a en partie aidé !), une kiné qui m’a strappé le pied avec des bandages élastiques, une amie qui m’a porté mon sac sur plusieurs kilomètres, un américain qui m’a fait un massage et m’a convaincu que je pouvais faire porter mon sac sans pour autant ne pas être une « vraie » pèlerine (ce que j’ai fait 4 fois, un vrai soulagement) et des gens qui m’ont encouragé, écouté, soutenu… Sans eux, et sans mes bâtons qui ont soutenu mon poids un pas sur deux, je n’aurais pas pu aller jusqu’au bout. Grâce à eux, ma force mentale a pu prendre le dessus sur ma douleur physique. Je suis aujourd’hui reconnaissante de l’expérience de cette douleur : sans elle, je ne sais pas si j’aurais expérimenté autant de solidarité, autant de bonté pure, autant de lâché-prise dans ma vulnérabilité. Sans elle, je n’aurais peut-être pas compris que l’Amour ne demande rien en retour, il donne tout simplement.

Hélène qui porte mon sac sur plusieurs kilomètres
Avec Janice et David, qui m’ont soigné et redonné espoir

3ème apprentissage : Une douleur partagée est divisée par deux.

4ème apprentissage : Lâcher-prise et se laisser aider n’est pas faire preuve de faiblesse mais au contraire c’est un cadeau que l’on fait à l’autre en se montrant telle que l’on est, dans sa pleine humanité.

5ème apprentissage : L’autre ne nous aime pas moins parce que l’on est vulnérable, au contraire.

Nature et Temps

J’étais partie pour déconnecter, pour être dans la nature, loin du béton parisien. Quel bonheur que de goûter aux fruits trouvés sur le chemin, que d’aller déguster le fromage de la ferme voisine, que de sentir l’odeur des fleurs, que de voir les papillons voler… On en vient à se demander pourquoi cela ne fait pas partie de notre quotidien, comment l’Homme a pu s’éloigner autant de ce qui fait partie de Lui, de ce qui le maintien dans une vie saine et en accord avec sa nature propre. Mon moment préféré de la journée illustre bien ce paradoxe : chaque matin, je suis emplie de ce bonheur de marcher sous les étoiles puis de voir le soleil se lever et la nature se réveiller. Les couleurs qui changent, la chaleur qui grandit, les ciels rouges, jaunes, roses et qui finissent par devenir bleus. C’est un kiff total. Et c’est un moment que je n’ai jamais vécu en vivant en ville. A quoi bon ?

Lever de soleil magnifique, comme tous les matins
Jeunes poulains dans les Pyrénées
Lumière du matin sur un paysage d’automne, Espagne

Quand on marche de nombreux jours d’affilée on change aussi son rapport au temps. La déconnexion avec le téléphone et les applis a pris plusieurs semaines et elle n’a jamais été totale par choix, les messages de la famille et des amis étant parfois nécessaires pour garder le moral et continuer à avancer. Mais je passais en moyenne 30 min par jours sur mon téléphone, contre 3 à 4h en temps normal… Tout ce temps gagné à vivre autre chose, à se retrouver soi, à prendre le temps de ne rien faire, de se reposer… J’ai aussi pris conscience de la chance que j’ai à exercer mon métier de la manière que je souhaite, sans contraintes extérieures pour me dicter quand et où je dois travailler. Rares étaient les pèlerins dans mon cas, la plupart étant soit retraités, soit au chômage, soit en période de transition. Je savais déjà que j’avais beaucoup de chance mais me confronter à l’expérience des autres m’a permis d’être encore plus reconnaissante. Quelle chance de pouvoir prendre ce temps pour moi ! Le côté nomade du chemin rajoute une dimension à la déconnexion : il est quasiment impossible de se souvenir où nous étions deux jours plus tôt, les lieux et histoires se confondent, la seule réalité dont on a pleinement conscience est l’instant présent. Et finalement, n’est-ce pas cela l’expérience du réel : le présent ?

Vue du dîner au gite d’Agapé, près de la Romieu, splendide.
Linge qui sèche avec vue sur les montagnes de Galice

6ème apprentissage : J’ai envie, à moyen terme, de vivre dans un endroit où il y a de l’espace, de la nature et une belle lumière.

7ème apprentissage : Le digital permet beaucoup de choses mais n’est pas la vraie vie. Limiter les écrans et aller à la rencontre des autres dès qu’on le peut, voilà le véritable sens de la vie et permet de vivre l’instant présent pleinement.

Confiance et Spiritualité

Une particularité du Chemin c’est sa spiritualité. Marcher, c’est une action d’une simplicité incroyable et qui pourtant nous permet de reconnecter à son ‘moi’ intérieur et de faire le point sur sa vie, ses envies, ses besoins. Certains partent même avec une quête claire : trouver des réponses aux questions qu’ils se posent, se retrouver après un deuil, une séparation ou une longue maladie, s’éloigner de leur vie d’avant. J’en ai même rencontré plusieurs qui avaient, avant de partir, rendu leur appartement, stocké leurs affaires quelque part et ne savaient pas encore vers quoi ils retourneraient après leur périple. D’autres, comme moi, sont partis sans quête précise si ce n’est que de savoir que le chemin transforme et donc dans l’attente d’être potentiellement transformés. Après plusieurs semaines de marche, la tendance est au lâché-prise, le but étant d’avancer et de faire confiance.

Un exemple de message trouvé sur une borne indiquant le chemin

Cette confiance dans le chemin est puissante. On pourrait même plutôt la qualifier de croyance, d’illusion. Elle repose sur le fait de croire que ce dont tu as besoin, le Chemin te l’apportera. Elle invite à faire tomber ses barrières, à repartir à zéro, à laisser de côté ses croyances limitantes et à redécouvrir le monde qui nous entoure et soi-même avec un regard neuf. Parfois, cela parait aberrant, on se dit qu’il est stupide de penser que parce que l’on croit, cela va arriver. Et pourtant le Chemin n’a jamais failli à cette promesse. Soit nous trouvions en nous la capacité de répondre à nos besoins, soit c’est le Chemin qui répondait présent. Suffit-il donc de faire confiance à la vie pour que la vie se passe bien ? Ce serait naïf de le croire et pourtant ce serait dommage de ne pas y croire.

Souvent, ce sont les autres, ceux qui sont sur le Chemin avec nous, qui étaient nos sauveurs, nos guides, parfois même à leur insu. Avec ma compagne de route, Aude, nous les appelions « les Anges du Chemin ». C’étaient toutes les personnes qui nous pointaient la bonne direction quand nous nous étions trompées (sans nous en rendre compte), qui nous donnaient un bout de leur pique-nique quand nous avions rien à grignoter, qui nous accueillaient dans leur maison comme si nous étions de leur famille, qui nous prêtaient leurs bâtons quand nous ne pouvions plus avancer, qui déposaient thé et café chauds dans leur jardin pour que nous puissions faire une pause, qui nous proposaient de nous abriter quand la pluie tombait à verse, qui nous offraient une vraie coquille Saint Jacques quand la marée haute ne nous permettait pas d’en trouver ce jour-là, qui nous offraient un sourire, une conversation ou un regard chaleureux qui nous requinque pour le reste de la journée… Faire confiance au chemin, c’était aussi être ouverte à ces rencontres, être capable de reconnaitre ces moments de joie, d’en être reconnaissante, de vouloir les partager et les multiplier. Les jours difficiles, j’ai toujours eu un ange sur mon chemin. Les jours faciles, je guettais chaque opportunité pour être l’ange de quelqu’un d’autre. Comme s’il existait une responsabilité partagée par tous, pour que chaque pèlerin se sente bien, pour que personne ne soit laissé de côté.

Il est pas extra celui-là ?

8ème apprentissage : Faire confiance aux autres et à la vie, croire au meilleur c’est un premier pas vers le bonheur. « Ne rien attendre c’est recevoir », phrase trouvée sur le chemin.

9ème apprentissage : Nous ne naissons pas tous égaux, certains ont plus de chance que d’autres ou autrement dit « Quand on a une vie meilleure que les autres, on construit une table plus grande, pas une clôture plus haute. », phrase trouvée sur le chemin.

Moments de grâce

Je me permets maintenant de partager à la volée quelques moments de grâce offerts par le Chemin :

· La rencontre touchante et très émouvante avec Jean-Pierre, un homme de 84 ans qui fait tout le chemin tout seul, en portant son sac et en dormant un soir sur deux dehors, à la belle étoile. Un mélange de force et fragilité qui nous a touché, Hélène et moi, en plein cœur.

· Un couple de pèlerins qui prend la guitare et improvise un concert dans un bar et invite tout le monde à chanter ensemble. Joie et émotions !

· Une église, celle de Hontanas, qui fait l’effort d’être inclusive pour tous : une vingtaine de bibles dans toutes les langues à disposition, des petits mots spirituels pour ceux qui ne sont pas catholiques, une messe dans toutes les langues co-construites sur le tas avec les pèlerins présents, un collier offert à la fin… Magique !

Eglise de Hontanas et son accueil inclusif

· Un havre de paix dans le gite de Agapé : le cadre était si splendide et les hôtes si soucieux de notre confort que ça nous a requinqué physiquement et moralement pour plusieurs jours !

Sieste dans le hamac sous le saule pleureur

· La traversée des Pyrénées et le début d’un nouveau chemin : passer de la France où nous croisions peu de pèlerins à l’Espagne où près de 300 pèlerins démarrent chaque jour … Autre culture, dépaysement différent, et tout cela devant un paysage à couper le souffle.

Départ de Honto pour la traversée des Pyrénées, direction l’Espagne

· Les retrouvailles avec Martine près du canal après avoir eu peur d’être suivie par un fou (ou schizophrène en pleine décompression…) et le soutien mutuel qui en a découlé.

Avec Martine

· Les périodes de transition : quand un ami de route nous quitte (il va plus vite, il s’est blessé, il n’a prévu que de faire un bout et autres raisons) et qu’après plusieurs jours on retrouve un nouveau compagnon… Ou que l’on retrouve l’ami perdu des jours ou semaines plus tard. Les retrouvailles sont incroyables.

Avec Aude et Nico, avec qui j’ai marché de Cahors à Logrono
Avec Hannah, avec qui j’ai marché de Pampelune à Burgos
Avec les copains de Pampelune à Logrono et revus occasionnellement par la suite
Avec Martine, Christine et Martine de Burgos à Ponferrada
Avec Hélène, de Molinaseca à Compostelle

· Arrivée à Saint Jacques de Compostelle, l’émotion ressentie sur la place de la Cathédrale, les gens qui s’enlacent, pleurent, crient de joie…

Arrivée à Saint Jacques, sur la place de la Cathédrale, le 10 Octobre 2019
Champagne bien mérité pour fêter notre arrivée, au Parador de Compostelle

Retour à la « vraie vie »

Après Saint Jacques de Compostelle, j’ai décidé de pousser l’aventure vers le Cap Finistère, jusqu’à la mer, jusqu’au km zéro. Ces trois jours ont été pour moi une phase de transition avant le retour à Paris et le choc a été très rude : peu de pèlerins sur le chemin, des locaux très mécontents de nous voir, des auberges vides, une pluie en continue, la douleur au talon toujours là et le manque de sens trouvé dans la marche. Le but, Saint Jacques, a été atteint alors pourquoi continuer ? Pourquoi laisser les amis derrière soi ? J’ai vécu ces trois jours comme une rupture, une mini dépression. Une pèlerine m’a dit que l’arrivée à Saint Jacques était comme une rupture amoureuse : tu sais que ça va arriver, tu as toi-même pris la décision que ça arrive mais tu ne peux t’empêcher d’être triste. Après deux jours à pleurer ma solitude, j’ai eu la chance d’être rejointe par Aude, ma compagne de route les 3 semaines en France et pas vue depuis un mois, pour parcourir les 14 derniers kilomètres ensemble. Ce dernier jour, il pleuvait à torrent, comme lors de mon premier jour de marche. La boucle était bouclée. Il était temps de rentrer.

Le Km Zéro au Cap Finistère

A mon retour à Paris, après un moment ‘émotions’ à l’aéroport de Santiago où j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps lorsque la sécurité m’a pris mes bâtons, tellement fort que finalement la garde civile a décidé de me les rendre…, j’ai eu le bonheur d’être accueillie pas ma cousine et tante, venues me chercher en voiture pour me raccompagner chez moi. Je ne voulais pas, même ne pouvais pas rentrer en RER, et avant que je n’exprime mon besoin clairement, elles avaient compris qu’il était important pour moi d’être accueillie, d’avoir comme un sas de décompression avant de reprendre le quotidien. Hélène, qui a marché avec moi les 15 derniers jours et qui habite Paris, me dit que sinon elle serait venue me chercher… Des anges du chemin jusqu’au bout.

Bien arrivée et accueillie à Paris !

Il m’a fallu deux jours pour sortir d’un état semi-léthargique où mon cerveau n’avait pas l’air de comprendre ce qui se passait autour de moi, comme si j’étais dans une gueule de bois prolongée. Puis j’ai repris le travail, à un rythme plus tranquille toutefois, avec un petit décalage dans mes priorités par rapport à avant, et avec l’envie de conserver les joies et apprentissages du Chemin dans mon quotidien. Par envie, je m’étais écrite une lettre à moi-même avant de partir. J’ai eu la joie de lire que tout ce que je me souhaitais m’était en effet arrivé et que je m’étais prévue par anticipation quelques stratégies pour revenir à la réalité en douceur. Il me faut encore soigner mon talon — une épine calcanéenne en fait ! — pour finir la transition pleinement car pour l’instant chaque pas encore douloureux me rappelle le Chemin, tout comme les flèches jaunes disséminées dans Paris ! Et puis il y a l’envie de mettre en place les idées que j’ai eues en marchant, allant de la petite action au rêve car : « Les idées trouvées sur le chemin sont faites à moitié de Ciel. ».

Coquilles Saint Jacques peintes et illustrées de phrases inspirantes

10ème apprentissage : Préparer son retour, prendre soin de soi, se ménager un sas de transition, c’est fondamental. Que ce soit après 2 mois de marche ou dans des moments clés du quotidien.

Aujourd’hui, comme beaucoup d’autres pèlerins, j’ai envie de reprendre la route et je sais que je le ferai (jamais deux sans trois il parait). Je suis plus forte de tous ces apprentissages et j’ai confiance en l’Humain. Je suis reconnectée à mes émotions et je vois tout autour de moi, des étoiles qui brillent… Un champ d’étoiles même…

Buen Camino.

La Meseta, 200 km de plat et un challenge mental et sportif

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